J.O. 100 du 28 avril 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Décision du 19 juillet 2005 portant sanction à l'encontre de la CARCO


NOR : ACAX0609189S



La Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance,

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi no 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière ;

Vu le rapport de contrôle en date du 17 février 2005, la réponse du 30 mars 2005, le courrier de la secrétaire générale du 27 avril 2005 et la réponse du 12 mai suivant ;

Vu le courrier en date du 21 juin 2005 par lequel le président de la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCAMIP) a informé la Caisse de retraite complémentaire des clercs et employés des huissiers de justice (CARCO) de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre et notifié à l'intéressée, en application des dispositions de l'article R. 951-2-2 du code de la sécurité sociale, les griefs susceptibles d'être retenus dans ce cadre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

La CARCO ayant été régulièrement convoquée à la séance de la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance, qui s'est tenue le 19 juillet 2005, avec la participation de M. Jurgensen, président, Mme Ruellan, MM. Aubert, Atlan, Cachin, de Vulpillières, Gougenheim, Hannoun, membres de la commission, et en présence de :

MM. Cognat et Boisson, commissaires du Gouvernement ;

Mme Lustman, secrétaire générale, M. Israël, conseiller juridique, M. Fliche, chef de brigade, et M. Ruel, secrétaire de séance ;

M. Chaput, président de la CARCO, M. Brouhot, vice-président, et M. Canal, directeur, assistés de Me de Charrette, avocat, M. Kamara, conseil juridique, et M. Charmois, actuaire, et

M. Bouquin, administrateur provisoire de la CARCO.

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Fliche, commissaire-contrôleur en chef, chef de brigade ;

- les observations de M. Chaput, président de la CARCO, M. Brouhot, vice-président, M. Canal, directeur, Me de Charrette, avocat, M. Kamara, conseil juridique, et M. Charmois, actuaire ;

Me de Charette ayant pris la parole en dernier.

Vu les pièces produites lors de l'audition par la CARCO ;

Le quorum requis étant réuni, le Collège a délibéré le 19 juillet 2005, hors la présence des commissaires du Gouvernement et de l'ensemble des membres du secrétariat général, à l'exception du secrétaire de séance,



Adopte la présente décision fondée sur les faits et moyens exposés ci-après :

Considérant que la Caisse de retraite complémentaire des clercs et employés des huissiers de justice (CARCO) a été fondée en 1961 ; qu'en 1994 elle a décidé de transférer à une entité créée à cet effet le régime national complémentaire dit « par répartition », ne conservant ainsi que le régime professionnel surcomplémentaire dit « par capitalisation » ; que ce dernier a ensuite été transformé à compter du 1er janvier 1999 en régime par capitalisation de points, fonctionnant selon les conditions de la branche 26, au sens de l'article R. 931-2-1 du code de la sécurité sociale ; que, toutefois, la CARCO n'a réellement procédé à un recensement de ses engagements que pour l'établissement de ses comptes 2002 ; que le montant de la provision mathématique théorique (PMT) est alors passé de 158 MEUR, montant au 31 décembre 2001, à 430 MEUR pour l'exercice suivant, montant nettement supérieur à la provision technique spéciale qui s'élevait à 100 MEUR à cette même date ; que, face à l'ampleur du déficit ainsi constaté, lors de la même séance où il a arrêté les comptes 2002, soit le 27 novembre 2003, le conseil d'administration de la CARCO a décidé d'adopter un plan de redressement prévoyant en particulier, dès le 1er janvier 2004, une réduction substantielle de la valeur de service du point (- 20 %) et une augmentation plus importante encore de sa valeur d'acquisition ; que la réduction d'autres garanties a également nécessité des modifications du règlement du régime, changements introduits dans la convention collective des employés d'huissiers de justice par un avenant du 23 mars 2004 entré en vigueur au 1er juillet 2004 ;

Considérant qu'au regard de la situation de la CARCO un contrôle sur place a été diligenté en octobre, novembre 2004 et janvier 2005, afin d'évaluer plus précisément la situation financière réelle du régime de retraite, sa conformité à la réglementation et ses chances de redressement ; que cette vérification s'est limitée à l'activité dite de la « branche 26 » ; qu'à l'issue un rapport portant sur la situation du régime, notamment sur ses comptes à la clôture de l'exercice 2003, a été notifié à l'organisme le 17 février 2005 ; que ce dernier a formulé ses observations le 30 mars 2005, lesquelles ont donné lieu à un courrier de la secrétaire générale de la CCAMIP du 27 avril 2005, suivi d'une seconde réponse de la CARCO le 12 mai suivant ;

Considérant que, lors de sa séance du 8 juin 2005, la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance (la Commission), saisie par sa secrétaire générale, a examiné le rapport établi par le commissaire-contrôleur, ainsi que l'ensemble des observations qui avaient été formulées à l'époque par la CARCO ; qu'à l'issue de cette réunion la Commission a, en application des dispositions de l'article R. 951-2-2 du code de la sécurité sociale, décidé de notifier à l'institution intéressée les faits susceptibles de lui être reprochés ;

Sur le grief tiré du non-respect de l'obligation de cantonner les placements du régime :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 932-24 du code de la sécurité sociale : « Lorsque les institutions de prévoyance réalisent des opérations ayant pour objet l'acquisition ou la jouissance de droits en cas de vie dans lesquelles un lien est établi entre la revalorisation des cotisations et celle des droits en cas de vie précédemment acquis et dont les actifs et les droits sont isolés de ceux des autres participants, elles sont tenues de mettre en oeuvre ces opérations sur la base d'un règlement particulier./ Les actifs correspondant à ces opérations sont affectés au règlement des droits acquis et en cours d'acquisition. Ils sont grevés à cet effet :/ a) Lorsqu'il s'agit d'actifs immobiliers, d'une hypothèque légale inscrite dès leur affectation au règlement de ces droits ;/ b) D'un privilège mobilier et d'un privilège immobilier qui priment les privilèges respectivement prévus au premier et au second alinéa de l'article L. 931-22./ Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la CARCO n'a achevé le cantonnement des placements du régime qu'au cours de l'exercice 2001 alors que les dispositions actuelles de l'article L. 932-24 du code de la sécurité sociale ont été instaurées par la loi no 94-678 du 8 août 1994 ; que, de plus, lors de ce cantonnement, dont la mise en oeuvre s'est étalée sans justification sur deux exercices comptables, la répartition des placements entre le régime de la branche 26 et l'actif général de l'institution a été réalisée au détriment du régime ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de contrôle, que l'immeuble du siège social a été affecté à l'actif général pour une valeur nette comptable de 12 MF au 1er janvier 2000, pour ensuite voir celle-ci réévaluée à 25,4 MF au cours de l'exercice comptable 2000, que, de même, les valeurs mobilières affectées en 2001 au régime de retraite ont affiché des moins-values, latentes ou réalisées au cours de l'exercice, supérieures en moyenne à celles relatives aux valeurs mobilières affectées à l'actif général ;

Considérant, en second lieu, que le montant des placements affectés au régime en 2001 n'a pas été justifié ; que si la CARCO invoque l'existence d'une erreur dans l'annexe E3 de ses comptes publiés 2000 afin d'expliquer le transfert indu de 26,7 MF de placements opéré en 2001, l'organisme intéressé n'a pas été en mesure de mentionner tant la nature que les montants des rectifications à apporter ; qu'enfin les justificatifs des écritures comptables de cantonnement, fournis en réponse au rapport, mettent en évidence une erreur de transfert supplémentaire de 15 MF au détriment du régime ; que, par suite, le grief est fondé en ses deux branches ;

Sur le grief tiré de la mauvaise gestion financière :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 931-13-1 du code de la sécurité sociale et L. 322-2-4 du code des assurances dans leur rédaction alors applicables le rapport de solvabilité doit rappeler les orientations définies en matière de placements ;

Considérant qu'il ressort du rapport de contrôle qu'il n'existe aucune délibération du conseil d'administration à propos de la politique de gestion financière de l'institution ; qu'en outre des défaillances ont également été constatées dans le suivi des gestionnaires d'actifs ; qu'à ce titre la politique de gestion financière adoptée par le bureau de l'institution a abouti, sur les quatre derniers exercices examinés (2000 à 2003), à une perte comptable cumulée pour le régime de 19,4 MEUR ; que si, dans sa réponse du 30 mars 2005, la CARCO admet, après avoir diligenté une contre-expertise, l'existence d'une « contre-performance » notable de sa gestion financière sur les 10 dernières années, elle se borne à imputer celle-ci « à une part trop importante investie en actions et à une diversification excessive des actifs gérés par un nombre trop important de gestionnaires », et annonce la création d'une « commission financière » ; que, toutefois, l'organisme intéressé ne démontre pas en quoi cette nouvelle commission assurera une meilleure définition et un meilleur suivi de la politique financière que le bureau de l'institution ; que, par suite, la politique de gestion financière de l'institution n'ayant pas été clairement définie ni adaptée à la gestion d'un régime de retraite, le grief est fondé ;

Sur le grief tiré du règlement du régime :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 932-4-1 du code de la sécurité sociale : « Les opérations collectives prévues à l'article L. 932-24 sont autorisées à la condition qu'elles comportent une prestation déterminée dans les conditions fixées par la présente section » ; que l'article R. 932-4-2 du même code dispose que : « Les opérations collectives prévues à l'article L. 932-24 sont réalisées dans le cadre d'adhésions à un règlement dans les conditions fixées à l'article L. 932-1 pour les opérations collectives à adhésion obligatoire et à l'article L. 932-14 pour les opérations collectives à adhésion facultative. Ce règlement doit indiquer les modalités de fonctionnement du régime, y compris dans les cas de conversion prévus aux articles R. 932-4-18 et R. 932-4-19. » ; que l'article R. 932-4-8 énonce que « Le règlement d'opérations collectives prévues à l'article L. 932-24 doit définir le mode de détermination des cotisations annuelles. Il doit contenir, en outre, les indications relatives à la détermination du nombre d'unités de rente correspondant à ladite cotisation. Le bulletin d'adhésion au règlement comporte les mêmes indications pour chacun des participants et fixe l'âge d'entrée en jouissance de la retraite pour chacun des bénéficiaires. » ; que l'article A 932-4-1 du même code astreint pour sa part les organismes à mentionner les frais prélevés dans le règlement du régime ;

Considérant, d'une part, que le règlement du régime a connu de nombreuses modifications, dont la principale a été, au 1er janvier 1999, la transformation en régime en « points » ; qu'il a été à nouveau modifié à effet du 1er juillet 2004 ; que néanmoins, ce règlement ne décrit ni les modalités de fonctionnement du régime en cas de conversion, ni les modalités de transposition des droits acquis au 31 décembre 1998, ni les conditions de réversion des rentes en service selon leur date d'effet ; qu'il en est de même s'agissant des frais prélevés, et cela contrairement aux exigences de l'article A. 932-4-1 précité du code de la sécurité sociale ; qu'en opérant ainsi, la CARCO a méconnu l'article R. 932-4-2 du code de la sécurité sociale, lequel dispose que le règlement du régime doit indiquer les modalités de fonctionnement du régime, y compris dans les cas de conversion prévus aux articles R. 932-4-18 et R. 932-4-19 du même code.

Considérant, d'autre part, que la CARCO n'établit pas de bulletin d'adhésion dans les formes requises par l'article R. 932-4-8 du code de la sécurité sociale, bulletin qui doit comporter le mode de détermination de la cotisation annuelle, des indications relatives à la détermination du nombre d'unités de rente correspondant à cette cotisation et l'âge d'entrée en jouissance de la retraite pour chacun des bénéficiaires ; qu'il découle de ce qui précède que les opérations effectuées par la CARCO, dans le cadre de la gestion du régime de branche 26, ne sont pas conformes à l'article R. 932-4-1 du code de la sécurité sociale ; que le grief est donc fondé ;

Sur le grief tiré de la méconnaissance des droits individuels des participants :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 932-4-11 du code de la sécurité sociale : « Le nombre d'unités de rente, éventuellement ajusté comme il est dit à l'article R. 932-4-10, qui est inscrit chaque année au compte individuel de chacun des participants cotisants et bénéficiaires, est égal au quotient de la cotisation, nette de prélèvements et de taxes, par la valeur d'acquisition de l'unité de rente. » ; que l'article R. 932-4-14 du même code précise quant à lui que « Dans le cas d'une rente sans réversion payable à soixante-cinq ans, le quotient de la valeur de service par la valeur d'acquisition doit être au moins égal à 0,05 (...) » ; que l'article R. 932-4-5 du même code dispose qu'« Il est ouvert, pour chacun des participants cotisants ou bénéficiaires, un compte individuel où sont portés les cotisations versées et le nombre d'unités de rentes correspondantes, ventilés par année. » ; que l'article R. 932-4-10 énonce que « En cas de cessation de paiement des cotisations, le règlement peut prévoir la déchéance des droits acquis si le participant ne justifie pas du versement d'au moins deux années de cotisations. Le règlement peut également prévoir une réduction du nombre d'unités de rentes inscrites au compte d'un participant en application de l'article R. 932-4-12 :/ a) Lorsque celui-ci a payé les cotisations afférentes à plus de trois années, mais n'a pas effectué de versements réguliers jusqu'à l'âge de l'entrée en jouissance, cette réduction ne peut avoir pour effet de réduire la prestation à un montant inférieur au produit du nombre d'unités de rente inscrites avant réduction par la moyenne des valeurs de service de l'unité de rente fixées pour les années au cours desquelles il a effectué ses versements ;/ b) Lorsque à l'âge de l'entrée en jouissance le participant ne peut faire état d'un nombre minimal d'années fixé par le règlement depuis son adhésion ;/ c) Lorsque le participant demande une anticipation de la date de l'entrée en jouissance ;/ d) Lorsque le participant use de la faculté d'obtenir une réversion prévue à titre facultatif par le règlement./ Le règlement peut également prévoir une majoration du nombre d'unités de rente inscrites au compte du participant en application de l'article R. 932-4-12 lorsque celui-ci ajourne la date de l'entrée en jouissance. » ;

Considérant, en premier lieu, que le conseil d'administration de la CARCO a décidé en mars 2004 de ne convertir que la partie dite « théorique » de la cotisation, ce qui était au demeurant en rupture avec l'interprétation antérieure du règlement et l'information annuelle communiquée jusqu'alors aux participants ; que, par suite, le nombre de points inscrits sur les comptes individuels n'est pas égal au quotient de la cotisation versée par la valeur d'acquisition du point de rente « affichée » par la CARCO ; que ce faisant, la CARCO a méconnu les dispositions de l'article R. 932-4-11 précité du code de la sécurité sociale ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en procédant ainsi qu'il vient de l'être précisé, la CARCO a procédé à une conversion des cotisations en points sur la base d'une valeur d'acquisition implicite du point beaucoup plus élevée, à savoir 7,624 EUR au lieu d'une valeur affichée de 4,078 EUR ; que le quotient de la valeur de service du point de rente sur cette valeur d'acquisition s'établit à 2,67 %, soit en deçà du minimum réglementaire de 5 % ; que l'organisme ne respecte donc pas non plus les dispositions de l'article R. 932-4-14 précité du code de la sécurité sociale ;

Considérant, en troisième lieu, que le nombre d'unités de rente résultant de la transposition des droits acquis par les participants avant le 31 décembre 1998 n'est pas calculé systématiquement ; que cette méconnaissance est reconnue par l'institution, laquelle se borne toutefois dans ses observations en réponse en date du 12 mai 2005 à faire valoir qu'elle n'est pas en mesure d'effectuer le calcul de ces droits avant 2006 ; que la CARCO est donc en infraction avec l'article R. 932-4-5 du code de la sécurité sociale qui impose que figurent, sur des comptes individualisés, les nombres d'unités de rentes des participants, ventilés par année ;

Considérant, enfin, que lorsque à l'occasion d'une demande d'information ou de liquidation de la rente, les droits acquis par un participant avant le 31 décembre 1998 sont calculés, ils le sont sur la base de la carrière effectuée jusqu'au 31 décembre 1998 ; que le nombre de points acquis est déterminé en divisant les droits acquis ainsi calculés par la valeur de service du point au 31 décembre 1998, valeur supérieure de près de 15 % à la valeur de service actuelle ; que, depuis le 1er juillet 2004, lors du calcul des droits acquis au 31 décembre 1998, la CARCO ne valide pas certaines périodes de maladie ou de chômage qui, selon le règlement en vigueur jusqu'au 31 décembre 1998, doivent pourtant être prises en compte pour le calcul des droits ; que dès lors, la CARCO diminue le nombre de points tel qu'il aurait dû figurer au compte individuel de l'assuré au ler janvier 1999 ; que cette diminution du nombre de points constitue une infraction à l'article R. 932-4-10 du code de la sécurité sociale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance des droits individuels des participants est fondé en ses quatre branches ;

Sur le grief tiré de la provision technique spéciale du régime :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 932-4-4 du code de la sécurité sociale : « Les opérations prévues à l'article L. 932-24 comportent la constitution d'une provision technique spéciale, à laquelle sont affectées les cotisations versées, nettes de prélèvements et de taxes, et sur laquelle sont réglées les prestations servies. Elle est représentée à l'actif dans les conditions et limites fixées par la section 10 du chapitre Ier du présent titre. La provision technique spéciale est capitalisée au taux de 3,50 %./ Sont affectés à ladite provision, à concurrence d'au moins 85 % de leur montant, les produits générés par la gestion financière des opérations mentionnées à l'article L. 932-24./ Les valeurs mobilières figurant à l'actif du bilan en représentation de la provision technique spéciale sont évaluées conformément aux règles fixées par la section 10 du chapitre Ier du présent titre. » ; que l'article R. 931-10-1 du même code dispose que : « Les institutions de prévoyance et unions d'institutions de prévoyance agréées par le ministre chargé de la sécurité sociale doivent justifier de l'existence d'une marge de solvabilité suffisante relative à l'ensemble de leurs activités. » ;

Considérant, tout d'abord, que la CARCO s'est d'une part abstenue de capitaliser cette provision au taux de 3,5 %, et d'autre part a prélevé sur cette provision les charges de gestion de l'institution ; que, par suite, la provision technique spéciale n'était constituée qu'à hauteur de 107 MEUR au 31 décembre 2003 alors qu'elle aurait dû s'élever à 150 MEUR environ dans les comptes 2003 si la capitalisation avait été faite au taux de 3,5 % fixé par les dispositions de l'article R. 932-4-4 du code de la sécurité sociale ;

Considérant, ensuite, qu'une conversion du régime conformément à la réglementation ne pourrait en tout état de cause s'opérer sans qu'au préalable la provision technique spéciale ait été remise à son niveau réglementaire de 150 MEUR environ ; qu'une telle correction du passif aboutirait à une marge de solvabilité constituée négative d'environ 31 MEUR, le besoin de marge corrigé s'établissant alors selon le rapport à 6,6 MEUR ; qu'il s'ensuit que la CARCO affiche une insuffisance de marge de près de 38 MEUR au 31 décembre 2003 ; qu'elle méconnaît ainsi les dispositions de l'article R. 931-10-1 du code de la sécurité sociale ; que le grief est dès lors fondé en ses deux branches ;

Sur le grief tiré de la provision mathématique théorique :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 932-4-15 du code de la sécurité sociale : « Chaque année, l'institution ou l'union calcule le montant de la provision mathématique théorique qui serait nécessaire pour assurer le service des rentes viagères immédiates et différées sur la base de la valeur de service à la date de l'inventaire. Ce calcul est effectué à partir des règles techniques fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. » ;

Considérant qu'il résulte du rapport de contrôle que, jusqu'à l'inventaire 2001, la CARCO a calculé le montant de la provision mathématique théorique définie à l'article R. 932-4-15 précité du code de la sécurité sociale sur la base d'un recensement très incomplet des engagements ; que dans sa réponse au rapport, l'organisme explique ces lacunes par des insuffisances du système informatique et que d'ailleurs, à partir de l'inventaire 2002 et le changement de son outil informatique, la CARCO a fortement réévalué le montant de la provision mathématique théorique ; que, toutefois, le rapport de contrôle met en lumière des lacunes persistantes dans les fichiers de l'institution, l'absence d'exhaustivité du recensement des droits, des dysfonctionnements dans les procédures d'arrêtés et de transmission des fichiers à l'actuaire, ainsi que des hypothèses actuarielles contestables, autant d'éléments qui se traduisent par une sous-estimation de la provision mathématique théorique ; que, de plus, les évaluations de la provision mathématique théorique figurant dans les rapports de gestion et de solvabilité 2003 ont été calculées après un abattement non réglementaire des droits de certains participants du régime ; qu'ainsi le montant de la provision mathématique théorique figurant dans le rapport de solvabilité 2003 était de 415 MEUR, pour un montant calculé sans abattement de 454 MEUR, montant réévalué depuis par l'institution, après prise en compte de certaines observations du rapport, à 486 MEUR, sans pour autant que ce dernier montant soit établi sur la base de données totalement fiabilisées ; que, dans ces conditions, l'infraction aux dispositions de l'article R. 932-4-15 du code de la sécurité sociale est constituée ;

Sur le grief tiré de l'absence de la couverture du régime :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 932-4-16 du code de la sécurité sociale la provision technique spéciale doit être supérieure au montant de la provision mathématique théorique ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 932-4-18 : « Lorsque, dans le cadre d'un règlement et lors de deux inventaires successifs, le rapport de la provision technique spéciale à la provision mathématique théorique est inférieur à 1 ou que le quotient de la valeur de service par la valeur d'acquisition de l'unité de rente est inférieur à la limite prévue au premier alinéa de l'article R. 932-4-14, il est procédé à la conversion du règlement. » ;

Considérant qu'à la fin 2002 la provision technique spéciale s'élevait à 100 MEUR tandis que la provision mathématique théorique était évaluée par l'institution à 430 MEUR ; qu'à la fin de l'année suivante la première s'élevait à 107 MEUR, pour un montant de provision mathématique théorique évalué par l'institution dans sa réponse au rapport à 486 MEUR ; que, malgré tout, la CARCO n'a ni procédé à la conversion du régime prévue dans un tel cas par l'article R. 932-4-18 précité, ni pris d'autres mesures de nature à faire cesser l'infraction ; qu'en particulier, si la CARCO a mis en oeuvre de premières mesures de redressement entre la fin de l'année 2003 et le début de l'année 2004, celles-ci ont été décidées sur la base de projections erronées et sans tenir compte des effets démographiques à venir ; que dans ces conditions, celles-ci étaient notoirement insuffisantes et ne pouvaient restaurer, même à très long terme, les équilibres financiers du régime ; que si à la date de l'audition la CARCO a indiqué qu'un plan de redressement ne pouvait être « établi sérieusement au 30 juin 2005 », elle n'a pas confirmé pour autant qu'elle envisageait effectivement d'établir un plan de redressement ni mentionné de délais ; que le grief ne peut qu'être maintenu ;

Sur la sanction :

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CARCO a méconnu plusieurs dispositions essentielles de la réglementation qui lui était applicable ; qu'il y a lieu, dès lors, de prononcer un blâme à son encontre, cette sanction disciplinaire étant assortie d'une sanction pécuniaire de 1 EUR et d'une publication dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 951-10 du code de la sécurité sociale,

Décide :


Article 1


Un blâme est prononcé à l'encontre de la CARCO.

Article 2


Une sanction pécuniaire d'un montant de 1 euro (un euro) est prononcée à l'encontre de la CARCO.

Article 3


La présente décision fera l'objet d'une publication dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 951-10 du code de la sécurité sociale.

Article 4


La présente décision sera notifiée à la CARCO.

Délibérée à l'issue de l'audience du 19 juillet 2005, où siégeaient :

M. Jurgensen, président, et Mme Ruellan, MM. Aubert, Atlan, Cachin, de Vulpillières, Gougenheim, Hannoun, membres de la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance, en présence de M. Ruel, secrétaire de séance.


Le secrétaire,

J. Ruel

Le président,

P. Jurgensen


Nota. - En application des dispositions de l'article L. 951-10 du code de la sécurité sociale, cette décision peut, dans le délai de deux mois qui suit sa notification, faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat.